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[ Critique Littéraire ] Marquer les ombres - Veronica Roth


Résumé



Dans une galaxie dominée par une fédération de neuf planètes, certains êtres possèdent un “don”, un pouvoir unique. Akos, de la pacifique nation de Thuvhé, et Cyra, soeur du tyran qui gouverne les Shotet, sont de ceux-là. Mais leurs dons les rendent, eux plus que tout autre, à la fois puissants et vulnérables.



Tout dans leurs origines les oppose. Les obstacles entre leurs peuples, entre leurs familles, sont dangereux et insurmontables. Pourtant, pour survivre, ils doivent s’aider – ou décider de se détruire.


Il y a des romans qui vous happent par leur promesse d’évasion, d’action ou de romance. Et puis, il y en a d’autres qui vous déroutent, qui prennent leur temps pour dévoiler leur vrai visage, et qui laissent une empreinte un peu étrange, presque inconfortable… Marquer les ombres fait partie de ceux-là.


J’avoue que je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Ayant lu Divergente à l’époque de son raz-de-marée, j’étais curieux mais prudent : Veronica Roth allait-elle encore une fois nous proposer une dystopie linéaire et efficace ? Eh bien… pas du tout. Ce roman est une bête différente. Plus rugueuse. Plus ambitieuse. Et finalement, plus intéressante.


Un space opera dense et sans concessions


On quitte ici les ruelles grisâtres de Chicago pour plonger dans un univers galactique où les peuples, les planètes et les tensions politiques s’enchevêtrent. L’univers imaginé par Roth est foisonnant, presque étouffant par moments. Il y a des coutumes, des langues, des religions, des systèmes de croyances, des conflits séculaires — autant dire que les premières pages peuvent désorienter. Mais c’est justement cette richesse qui fait la force du récit.


Chaque individu, dans cet univers, développe un "don" au passage de l’adolescence. Un pouvoir personnel, parfois salvateur, parfois destructeur. Et c’est là que réside le cœur du roman : dans la manière dont ces dons définissent — ou déforment — ceux qui les portent.


Cyra et Akos : un duo atypique


Cyra est sans doute l’un des personnages les plus marquants que j’ai pu croiser dans un roman de ce genre. Son don ? Un flux de douleur constante qu’elle inflige à quiconque la touche — une arme vivante, instrumentalisée par son propre frère dans un régime tyrannique. Elle est dure, tranchante, abîmée. Et pourtant, profondément humaine.


Akos, lui, est son opposé. Issu d’un peuple non-violent, il est capturé très jeune à cause d’un destin prédéterminé — un concept majeur dans ce roman où l’idée de choix est toujours parasitée par la fatalité. Leur relation évolue lentement, avec tout ce que cela suppose de rejet, de méfiance, de silences. Et c’est cette lenteur qui la rend crédible. Elle ne repose ni sur le cliché du bad boy, ni sur une romance éclaire. Elle naît dans la douleur, la compréhension et la nécessité.


Douleur, pouvoir et libre arbitre


Ce qui m’a réellement accroché, au-delà de l’intrigue, ce sont les thématiques. Marquer les ombres ne se contente pas d’être un roman d’action ou d’aventure. Il questionne le pouvoir — ce qu’on en fait, ce qu’il nous fait. Il parle de douleur physique, psychique, familiale. De destin, et du poids terrible qu’il peut faire peser sur les épaules de ceux qui n’ont rien demandé.


C’est un roman qui dérange un peu. Parce qu’il ne propose pas de réponses toutes faites. Parce que ses personnages sont brisés, ambigus, parfois agaçants dans leurs contradictions. Et surtout, parce qu’il assume une certaine noirceur — dans l’univers comme dans les cœurs.


Pourquoi le lire ?


Pour découvrir un duo de protagonistes complexes, qui s’éloigne franchement des archétypes YA. Pour explorer une réflexion subtile sur la souffrance, l’identité et la possibilité de choisir sa propre voie. Pour s’immerger dans un univers riche, politique, parfois rude mais toujours captivant.


Marquer les ombres n’est pas un roman parfait. Il est dense, un peu lent par moments, et exigeant dans son univers. Mais il a ce quelque chose de plus, ce grain de gravité et d’intensité qui le rend profondément marquant. Je suis ressorti de cette lecture un peu sonné, mais curieux de voir où Veronica Roth compte nous emmener ensuite.


Et si, au fond, nos dons les plus puissants n’étaient que les reflets de nos failles les plus profondes ?

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