[Interview] Catherine Grive - Auteure jeunesse pleine de ressources !
- Steven le Tonqueze
- 20 févr. 2017
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 mars
Aujourd'hui on se retrouve pour un rendez-vous très spécial : une nouvelle interview. Et alors que certains reprennent la route de l'école, je vous propose un petit moment de douceur en compagnie d'une auteur très sympathique. Il s'agit de Catherine Grive qui est l'écrivaine de différents albums jeunesse mais également de nombreux romans aux éditions du Rouergue. Si vous êtes un lecteur assidu des articles du blog alors vous n'êtes pas sans savoir que son dernier roman " La plus grande chance de ma vie " m'a beaucoup plu. Et alors que je prenais contact avec elle afin de répondre à une question qui me taraudait, je me suis dit que ce serait bien de vous faire partager tout ça ! Alors c'est parti, embarquez avec moi et Catherine direction le monde de la jeunesse !

Interview : Catherine Grive
Bonjour Catherine, merci d'avoir accepté cette interview,
Pourriez-vous vous présenter brièvement pour les lecteurs de Steven's Books & Co ?
Je suis auteur de jeunesse. Je n’arrive pas à prononcer le mot écrivain, je ne sais pas bien pourquoi. Enfin, j’ai quand même ma petite idée. J’ai peur de me prendre au sérieux. J’ai peur d’oublier d’avoir été un enfant triste, et puis une ado mal dans sa peau.
D’un autre côté, j’ai conscience que si j’étais restée une enfant ou une ado, je n’aurais pas été capable d’écrire. Il faut du recul pour s’adresser à eux.
Pouvez-vous nous faire part de votre parcours professionnel jusqu'à aujourd’hui ?
J’ai pas mal cherché ce que je voulais faire. J’ai travaillé dans la publicité, j’ai gagné de l’argent, j’ai vécu à l’étranger, j’ai travaillé à la radio, j’ai traduit des romans d’amour. Et un jour, j’ai écrit un livre qui a changé ma vie. Un guide des cimetières militaires en France. On imagine plus passionnant. Et ce n’est en effet pas le sujet qui a changé ma vie, mais la façon dont le livre a vécu sa vie de livre, comment il a été reçu par des lecteurs, par des journalistes, comment j’ai été invitée à parler de lui.
C’est le pouvoir du livre que j’ai découvert. Le pouvoir du partage et la confiance que cela donne en soi d’en avoir écrit un, même si le sujet porte sur la longueur des moustaches des ratons-laveurs (ils ont des moustaches ?).
Après cela, j’ai écrit un album pour enfants. Et puis un deuxième. Un dixième. Ce n’était pas facile, les éditeurs me disaient souvent que mes livres étaient tristes. Moi je ne les trouvais pas tristes, je les trouvais vrais. Pour moi, les seuls livres tristes étaient - et restent - les livres ratés. Je me sentais d’autant plus à l’aise avec ce défaut que je m’adresse à l’adulte qui est en chaque enfant. Il y a une phrase de Pessoa que j’aime : « Aucun livre pour enfants ne doit être écrit pour les enfants ».
Mais j’ai quand même essayé de faire un effort et ça n’a pas marché. Alors j’ai décidé d’écrire pour les ado en me disant que je pourrais me laisser aller. Et comme par hasard, maintenant que je pourrais « écrire triste », j’écris des livres drôles. Enfin, un peu drôles. En fait, j’écris des histoires tristes qui arrivent à des gens drôles.
Comment en êtes-vous venu à l’écriture ? Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Maintenant j’écris tout le temps. C’est comme un immense réservoir qui est en moi et dans lequel je vais piocher des histoires pour les enfants, pour les ado, pour les adultes (je publie mon premier roman en mars prochain chez Lattès, Reste le chagrin), des histoires souvent un peu folles, mais pas fantastiques. Je n’aime pas ce qui n’est pas possible.
Pourriez-vous parler de l’écriture de "La plus grande chance de ma vie" ? Avez-vous douté de vous durant l’écriture de votre roman ?
Un dimanche soir, tranquille chez moi, je suis tombée sur le témoignage d’une mère et de sa fille de quatorze ans. La mère racontait qu’à la maternité, la sage-femme avait fait exprès d’échanger son bébé avec un autre. Elle l’a appris quand sa fille avait onze ans, mais tout son entourage, dont le papa, se rendait compte que quelque chose n’allait pas, que cette petite fille ne ressemblait à personne de la famille. J’ai eu envie de me mettre à la place de cette fille qui un jour apprend cette nouvelle à laquelle personne n’est jamais préparée, à imaginer sa peur d’être abandonnée alors qu’elle a du jour au lendemain, deux pères et deux mères.
Je n’écris que sur des émotions. C’est pour cela que j’aime la littérature japonaise. Comme eux, je préfère faire ressentir les choses que les expliquer.
Quelle organisation adoptez-vous quand vous écrivez ? Avez-vous des techniques particulières ?
Du silence et du thé.

Quelles ont été les recherches que vous avez faites pour construire “La plus grande chance de ma vie” ?
Aucune recherche, surtout pas. Je me suis empêchée de lire quoi que ce soit sur ce fait divers, pour pouvoir inventer, être libre. Et aussi parce que j’avais peur que les deux personnes qui m’ont inspiré l’histoire, tombant par un hasard extraordinaire sur mon livre, en attendent leur vérité.
En revanche, il y a une image qui ne m’a pas quittée, celle du visage non pas de la fille bizarrement, mais celui de la mère qui dans le reportage, tourne les pages d’un album photos où on voit combien son visage a changé depuis qu’elle a traversé cette épreuve, même si celle-ci se termine bien.
Peut-être que le vrai personnage au fond est la mère, le regard que pose la fille sur elle.
Parlons un peu de vos autres parutions. Vous avez publié de nombreux albums jeunesse et deux autres romans dans la collection doado des éditions du Rouergue. Pourquoi avoir choisi d’écrire pour la jeunesse ?
Je viens d’un milieu, d’une famille où être un enfant est un défaut. Ce que nous pouvions dire, mon frère et moi, était inintéressant. Inintelligent même. Alors, au début, j’écrivais pour parler et être écoutée à table.
Votre écriture est très douce et fluide, retravaillez-vous vos textes ? Si oui combien de temps laissez-vous entre votre premier jet et les corrections ?
« Ecrire, c’est réécrire », j’ai lu quelque part. C’est vrai, je me le répète sans arrêt et pourtant, je fais tout le temps la même erreur : j’envoie trop tôt. Je suis trop impatiente, voire trop enthousiaste, et j’envoie aux éditeurs, aux amis, et après je regrette, le texte n’était pas au point. Avec le temps, je deviens plus raisonnable. Disons que je laisse un mois la dernière version au « frigo », avant de la reprendre et de l’envoyer.
La trame de votre histoire est-elle déjà établie dès le départ ou bien fonctionnez-vous de manière différente pour chaque livre que vous écrivez ?
La trame est établie, j’ai un plan qu’il pourra être important de ne pas suivre, mais au début, j’ai besoin d’un cadre très strict. Je définis le contenu de chaque chapitre. Et ça pour tous mes livres, quel que soit les lecteurs.
Les retours et remarques que vous recevez de la part de vos lecteurs vous aident-elles à progresser ?
Vous n’imaginez pas à quel point. Les lecteurs en savent bien plus que moi sur toutes sortes de sujets, je leur fais vraiment confiance. Trop peut-être. J’ai beaucoup de mal à me remettre d’une réserve sur un de mes livres. Ce n’est pas de l’orgueil, c’est juste que je suis perdue, je ne sais pas qui a raison.
Vous intéressez-vous aux blog et aux chaînes youtube (Booktube) qui parlent de vos ouvrages ?
Oui bien sûr. J’ai une veille Google qui me prévient quand on parle de mes ouvrages et je suis pas mal de blogs.
Qu’est-ce que l’écriture a changé dans votre vie ?
Trouver le bon mot au bon moment, j’ai le sentiment de ne jamais y arriver, et c’est en partie pour ça que j’écris.
Les autres raisons pour lesquelles j’écris, sont mystérieuses et considérables. Je préfère de ne pas trop fouiller. Je me contenterais de dire que depuis que j’écris, je suis libre.
Quels sont vos objectifs maintenant ? Avez-vous d’autres projets d’écriture en cours ?
Je suis sur deux romans en même temps, un pour ado, un pour adultes, mais pas au même stade. Un au début, un vers la fin. Sinon, dans ma tête, je suis sur sept livres en même temps. Ça carbure. Je me couche plutôt tôt, en ce moment...
Si vous aviez un seul conseil à donner aux jeunes écrivains, quel serait-il ?
Ne pas être trop dur avec soi-même.
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